Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
ESCAL-VIGOR

lique. Non, ne déflore point l’innocence ou du moins épargne la faiblesse, me disais-je. N’aspire que le parfum qui s’exhale vers toi ! N’abuse de l’enfant qui s’ignore ou du mâle à venir !

Peu de temps après, mon aïeule mourut. Je résolus de me mettre à la recherche de l’être que je pourrais aimer selon ma nature ; c’est pourquoi je m’exilai en cette île ; j’avais le pressentiment d’y rencontrer mon élu. Guidon n’eut qu’à se montrer pour que mon cœur se projetât aussitôt vers lui. Je lui reconnus, avec des aptitudes aux arts que j’aime, des orgueils et des notions de vies différentes de ceux de la foule domestiquée. Comment, d’ailleurs, demeurer insensible à la muette et délicate imploration de ses yeux ? Il m’avait deviné aussi bien que je l’avais senti. Lui seul, le premier, assouvirait mon premier besoin d’être ! Si notre chair a mal fait, la plus totale ferveur morale fut notre complice. Nos sentiments s’accordèrent avec nos désirs !…

Mais non, la nature ne désavoue, ne répudie rien de ce qui nous béatifie. Ce sont les religions bibliques qui veulent que la terre nous ait enfantés pour l’abstinence et la douleur. Imposture ! L’exécrable créateur que celui qui se complairait en

13