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ESCAL-VIGOR

mandée par Claudie dès qu’on apprit l’arrivée du châtelain d’Escal-Vigor.

Pour honorer le bourgmestre, le comte avait assis Claudie Govaertz à sa droite.

Claudie, la forte tête de la maison, était une grande et plantureuse fille, au tempérament d’amazone, aux seins volumineux, aux bras musclés, à la taille robuste et flexible, aux hanches de taure, à la voix impérative, type de virago et de walkyrie. Un opulent chignon de cheveux d’or brun casquait sa tête volontaire et répandait ses mèches sur un front court, presque jusqu’à ses yeux hardis et effrontés, bruns et fluides comme une coulée de bronze, dont un nez droit et évasé, une bouche gourmande, des dents de chatte, soulignaient la provocation et la rudesse. Toute en chair et en instincts, un besoin de tyrannie, une ambition féroce parvenait seule à réfréner ses appétits et à la conserver chaste et inviolée jusqu’à présent, malgré les ardeurs de sa nature. Pas l’ombre de sensibilité ou de délicatesse. Une volonté de fer et aucun scrupule pour arriver à ses fins. Depuis la mort de sa mère, c’est-à-dire depuis ses dix-sept ans — aujourd’hui elle en comptait vingt-deux — elle gouvernait la ferme, le ménage et, jusqu’à un

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