Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
ESCAL-VIGOR

protection et mépris. Une population de sacripants ! Les seuls vagabonds et indigents du pays !… C’est notre Guidon, mon vaurien de fils, qui les a pratiqués ! Chose triste à dire, il pourrait être des leurs !

— Je prierai votre garçon de me conduire un jour par là, bourgmestre ! dit Kehlmark en faisant passer ses hôtes dans une autre pièce. Ses yeux s’étaient allumés, au souvenir du petit joueur de chalumeau. À présent ils se voilaient et sa voix avait eu un tremblement, un accent d’une indicible mélancolie, suivi comme d’un sanglot déguisé en toux. Claudie continuait à regarder à droite et à gauche, supputant la valeur marchande des bibelots et des raretés.

Dans la salle de billard, où ils venaient d’entrer, toute une paroi était prise, comme on sait, par le Conradin et Frédéric de Bade, peinture de Kehlmark lui-même d’après une gravure très populaire en Allemagne. Le suprême baiser des deux jeunes princes, victimes de Charles d’Anjou, mettait sur leur visage une expression d’amour extrême, quasi sacramentel, intensément rendue par Henry.

— Ça ?… Deux petits princes. Les maîtres d’un de mes très arrière-aïeux… On va leur couper la tête ! expliqua-t-il, singulièrement gouailleur, à

4