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ESCAL-VIGOR

même jusqu’à prendre la contenance de quelqu’un qui réprime un bâillement.

Les camarades de Guidon faisaient cercle autour des Govaertz et de Kehlmark, s’amusant de la confusion du petit pâtre mis ainsi sur la sellette par son propre père. Les drilles se trémoussaient, se donnaient l’un à l’autre du coude dans les reins, soulignant, par des rires et des murmures, les doléances que le bourgmestre faisait sur son fils.

Avec Guidon, Henry se sentait le point de mire de tous ces narquois. Claudie couvait son frère de regards durs et malveillants. Henry devina que le bourgmestre ravalait et décriait ainsi son garçon pour flatter Claudie, sa préférée. Entre cette fille rude, presque hommasse, et ce petit paysan plutôt affiné, l’incompatibilité devait être crispante à l’extrême. Perspicace, Henry se suggéra de violentes querelles au foyer des Govaertz, et il en eut le cœur singulièrement étreint. Au surplus Claudie lui parut visiblement agacée de l’attention témoignée par le Dykgrave à cet enfant répudié, mis au ban, vivant presque en marge de la famille.

— Écoutez, bourgmestre, nous en reparlerons ! reprit Kehlmark. Peut-être y aura-t-il moyen de faire quelque chose de ce fantaisiste !