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ESCAL-VIGOR

Elle embaumait la santé et la droiture. Un galbe de statue grecque modernisé, avifié par des joues roses ; des yeux limpides et confiants, du bleu saphir très clair ; une bouche au pli gracieux et mélancolique ; les cheveux d’un blond cendre, un peu crespelés, séparés en bandeaux sur un front d’ivoire immaculé. De taille moyenne, admirablement prise, dans ses vêtements de paysanne, on eût dit une fille de qualité déguisée en pastourelle.

De son côté, Blandine s’était sentie attirée par cette septuagénaire de grande race, mais dépourvue de morgue ou d’afféterie et qui n’eût pas été déplacée, par son large esprit philosophique, au siècle de l’Encyclopédie et de Diderot. Femme de généreuse culture et sans préjugés, si elle demeurait jusqu’à un certain point entichée de la noblesse de naissance, c’est parce qu’en se comparant aux parvenus qui l’entouraient, elle avait bien été forcée de convenir de la supériorité des sentiments, du ton et de l’éducation d’une caste de plus en plus réduite, et encore mieux proscrite et abolie par la crasse des mésalliances financières que par la guillotine et les septembrisades. Mais, en revanche, elle considérait comme d’apanage vraiment aristocratique ces hautes qualités de cœur et d’es-