Page:Germain - Œuvres philosophiques, 1896.djvu/365

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demandent à un vieillard qui plante des arbres


Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ?
Autant qu’un patriarche il vous faudrait vieillir.
        À quoi bon charger votre vie
Des soins d’un avenir qui n’est pas fait pour vous ?


« Et le vieillard, continuant sa besogne :


Mes arrière-neveux me devront cet ombrage :
        Eh bien ! défendez-vous au sage
De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd’hui.


« Travailler pour autrui ! Voilà la mesure que nous cherchions : le véritable grand homme sera celui qui, dans un passé sans retour possible, aura consacré ses jours à l’utilité et à l’honneur de l’espèce humaine ; voilà aussi le germe de cette philosophie morale, couronnement du progrès séculaire, qui impose aux générations vivantes le souci de la postérité. Les jeunes gens de La Fontaine se préoccupaient de l’intérêt immédiat de l’individu, et l’individu passe ; son vieillard, au contraire, songeait au bonheur de l’espèce, et l’espèce n’a point de fin. Ah ! comme Diderot a raison de s’écrier « Si nos prédécesseurs n’avaient rien fait pour nous, et si nous ne faisions rien pour nos neveux, ce serait presque en vain que la nature eût voulu que l’homme fût perfectible. »