Page:Germain de Montauzan - Les Aqueducs antiques, 1908.djvu/437

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 393 —

La loi parait donc avoir été entendue dans un sens assez élastique en ce qui concerne la largeur prescrite : le prix des terrains traversés, la façon dont ils étaient habités et cultivés, tout cela jouait certainement un rôle important dans la fixation des limites.

La pierre de Chagnon. — Aucune des bornes de ce genre, à part la pierre de Chagnon[1], trouvée au bord de l’aqueduc du Gier, ne porte expressément les défenses formulées par les sénatus-consultes. C’est ce qui donne à cette pierre un si curieux intérêt. Je rappelle le texte de l’inscription qu’elle porte :

« Ex auctoritate Imperatoris Caesaris Trajani Hadriani Augusti, nemini arandi serendi pangendive jus est intra id spatium agri quod tutelae ductus destinatum est. »

Ce texte, d’un côté si explicite, est d’autre part incomplet pour nous, puisqu’il n’indique pas la largeur de la zone de protection. La place seule de la borne devait l’indiquer, et on ne connaît pas cette place exactement, car la pierre n’était plus debout quand on l’a retrouvée : elle avait glissé ou roulé, on ne sait pas du tout de combien de pieds ou de mètres. On ne peut donc faire que des conjectures sur le spatium agri désigné : était-il à peu près en conformité avec les prescriptions du sénatus-consulte, ou beaucoup plus large, limité au-dessus de l’aqueduc par ce que nous avons appelé la tranchée supérieure[2] ? Je préfère là-dessus ne pas conclure.

On ne s’explique guère non plus comment il se fait que cette pierre soit un spécimen unique, et plus généralement que dans tout l’empire romain les bornes de protection, quelle que soit l’inscription qu’elles portent, soient si rares. Qu’au voisinage des endroits habités, elles aient peu à peu disparu, parce qu’on les aura utilisées pour la construction, cela se comprend. Mais dans les campagnes désertes ?… On ne les y trouve pas, dira-t-on, parce qu’elles sont enfouies, comme à Chagnon, où c’est le pur hasard qui a amené la découverte. Mais ce hasard aurait été plus fréquent si les bornes avaient été fréquentes. Ne vaudrait-il pas mieux

  1. V. ci-dessus, p. 108.
  2. V . ci-dessus, p. 211 et suiv.