Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/217

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celle du comte de Browne, digne neveu du maréchal Lacy. Je faisois, pendant cette superbe et vigoureuse entreprise, une diversion avec ma flotte, sur le Danube ; et ensuite, pour réparer la perte de quelques jours et de bien du monde à l’attaque du chemin couvert, je redoublai le feu de mes batteries, et j’en établis une nouvelle, dans une île, à 150 toises de la forteresse, qui capitula tout de suite.

Je voyois avec un grand plaisir militaire et une grande peine philosophique, s’élever dans l’air 12,000 bombes que j’ai fait lancer sur ces pauvres Infidèles ; j’entendois leurs cris d’effroi, car ceux des blessés étoient étouffés par le feu et la mort. Écartons ces objets d’horreur. J’ai parlé assez long-tems au colonel de dragons. C’est maintenant au grand prêtre du temple de la paix que je m’adresse.

Quelle source de réflexion ! A peine le mot capitulation avoit été prononcé, que dix mille vaincus se mêloient déjà avec autant de vainqueurs. La férocité faisoit place à la douceur, la fureur à la pitié, la ruse guerrière à la bonne foi, l’acharnement à la bienveillance. On prenoit du café ; on vendoit, on achetoit. Le Turc, loyal dans ses marchés, fixoit un prix, llvroit ses effets précieux cachés dans les casemates, alloit à ses affaires, et sans em-