Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/220

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Je vous aurois écrit pendant le siège ; mais j’avois peur que ma lettre ne devînt posthume, et je ne voulois pas vous dire ce qui se passoit dans ma tête, avant de savoir si on me la ]aisseroit sur les épaules. Adieu, l’ami de mon cœur.


LETTRE XI.


QUI veut connoître les Turcs ? Les voici, bien différens de l’idée qu’on s’en est faite. C’est un peuple d’antithèses : braves et poltrons, actifs et paresseux, libertins et dévots, sensuels et durs, recherches et grossiers, sales et propres ; conservant dans la même chambre des roses et un chat mort. Si je parle des grands de la cour, de l’armée et des provinces, je dirai : hauts et bas, méfians, ingrats, fiers et rempans, généreux et fripons. Toutes ces qualités, bonnes et mauvaises, dont les premières l’emportent sur les secondes dans le gros de la nation, dépendent des circonstances, et sont recouvertes d’une croûte d’ignorance et d’insensibilité, qui empêche ces pauvres gens d’être malheureux.

Il est clair que s’ils n’étoient pas sous le joug des monstres qui les étranglent pour avoir