Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/229

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croyant n’être qu’exact. Ou obtenoit peut-être son cœur sans le mériter, mais on étoit sûr de ne jamais manquer son estime. Il avoit peur de passer pour partial dans la distribution de ses grâces : il les accordoit sans y joindre aucune manière aimable, et les refusoit de même. Il exigeoit plus de noblesse de la part de la noblesse, et la méprisoit plus qu’une autre classe quand elle n’en avoit pas ; mais il est faux qu’il ait voulu lui faire du tort. Il vouloit la plus grande autorité, pour que d’autres n’eussent pas le droit de faire du mal. Il se privoit de tous les agrémens de la vie, pour engager les autres au travail : ce qu’il détestoit le plus au monde, c’étoit les oisifs. Il avoit un moment d’humeur quand on lui faisoit une réponse ou une représentation un peu piquante : il se frottoit les mains, et puis revenoit écouter, répondre lui-même, ou discuter comme si de rien n’étoit. Il étoit avare du bien de l’État, et généreux du sien ; génereux même n’est pas le mot, c’est bienfaisant. Il savoit faire le Souverain, et tenoit bien sa cour quand il le falloit absolument ; il donnoit alors à cette cour, qui avoit l’air d’un couvent ou d’une caserne toute l’année, la pompe et la dignité du palais de Marie-Thérèse. Son éducation avoit été comme celle de bien des Sou-