Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/254

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donner l’absolution que le divin Platon et tout le clergé russe, dont j’aime l’instruction, la robe, la barbe et les vertus, n’est point en état de lui accorder. Voilà six mois que je n’ai reçu de lettres de Votre Majesté, et c’est la seule fois que cela me soit arrivé depuis douze ans. N’est-ce pas aussi tyrannique que si elle dépouilloit un de ses braves généraux d’un grand gouvernement ? Je parle à sa conscience, je vais parler à sa bonté.

Quoique le caractère le plus ferme, le plus simple et le plus sensible ne m’ait point donné depuis six mois des marques de souvenir, j’ai besoin de parler à Votre Majesté Impériale. S’il y avoit seulement le plus petit grand homme à présent dans les quatre parties du monde, je lui écrirois pour ne pas vous incommoder, Madame ; mais il faut que Votre Majesté paie pour elle et les grands hommes qui ont disparu.

Je n’ai pu apprendre en Russie si Pierre I avoit jamais ri de bon cœur. Ainsi je ne suis pas sûr que je me fusse exposé à recevoir un mot sec de sa part. Frédéric II m’a recommandé trois fois, à l’aide de Dieu et à sa sainte et digne garde, comme s’il s’étoit mis dans le cas d’en faire les honneurs. Louis XIV m’auroit écrasé par sa signature ; mais je crois que j’aurois reçu par la poste quelques bons ventre-