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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/293

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aux dépens des autres, qui ne sont capables ni d’enthousiasme, ni d’admiration, ni de compassion, ni d’amitié. C’est usurper la vie que se borner à ne pas nuire : les morts en font autant, et n’exigent rien pour cela.

On n’est pas assez mauvais pour manquer de gaieté de cœur à la reconnoissance ; mais on tâche tellement d’atténuer les bienfaits, on leur cherche tant de motifs, on trouve dans les bienfaiteurs tant d’intérêt à nous obliger, que peu à peu on se fait ingrat sans s’en apercevoir.

L’INTÉRÊT personnel le moins malhonnête est celui qui examinant les choses sous les deux faces qu’elles ont presque toujours, ne prend le parti qui lui convient le mieux, qu’après s’être convaincu qu’il ne nuit pas trop aux autres. Cela prouve au moins qu’il a discuté la matière avec lui-même ; et tant que les hommes se croient honnêtes gens ils le sont encore un peu.

Pourquoi peint-on toujours la justice avec une épée et même une balance ? Je voudrois quelquefois lui mettre un voile. Il est souvent