Aller au contenu

Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit-il, que Rousseau de Genève. — Ah oui, lui dis-je, ce grand herboriseur ! Je le vois bien. Ah ! mon Dieu ! que d’herbes et de gros livres ! ils valent mieux que tous ceux qu’on écrit. — Rousseau sourit presque, et me fit voir peut-être sa pervenche, que je n’ai pas l’honneur de connoître, et tout ce qu’il y avoit entre chaque feuillet de ses in-folio. Je fis semblant d’admirer ce recueil très-peu intéressant, et le plus commun du monde ; il se remit à son travail, sur lequel il avoit le nez et les lunettes, et le continua sans me regarder. Je lui demandai pardon de mon étourderie, et je le priai de me dire la demeure de M. Rousseau de Toulouse ; mais, de peur qu’il ne me l’apprît et que tout fût dit, j’ajoutai : — Est-il vrai que vous soyez si habile pour copier la musique ? — Il alla me chercher des petits livres en long, et me dit : — Voyez comme cela est propre ! — Et il se mit à parler de la difficulté de ce travail, et de son talent en ce genre, comme Sganarelle de celui de faire des fagots. Le respect que m’inspiroit un homme comme celui-là, m’avoit fait sentir une sorte de tremblement en ouvrant sa porte, et m’empêcha de me livrer davantage à une conversation qui auroit eu l’air d’une mystification si elle avoit duré plus long-tems. Je