Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/34

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qui accusent le Roi de Prusse d’insensibilité, qu’il n’avoit point été touché de l’accident de l’homme qu’il paroissoit aimer le plus. Trop heureux encore si l’on n’avoit dit que cela de lui. On le supposoit jaloux du mérite de Schewrin et de Keith, et enchanté de les avoir fait tuer. C’est ainsi que les gens médiocres tâchent d’abaisser les grands hommes, pour diminuer l’espace immense qui les sépare d’eux.

Le Roi, par galanterie, s’étoit mis en blanc, ainsi que sa suite, pour ne pas nous apporter ce bleu que nous avions tant vu à la guerre : il avoit l’air d’être de notre armée et de la suite de l’Empereur. Il y eut, je crois, dans cette visite, de part et d’autre, un peu de personnalité, quelque méfiance, peut-être un commencement d’aigreur : ce qui arrive toujours, dit Philippe de Commines, aux entrevues des Souverains, Le Roi prenoit beaucoup de tabac d’Espagne ; et comme il nettoyoit son habit du mieux qu’il pouvoit, il me dit : Je ne suis pas assez propre pour vous, Messieurs ; je ne suis pas digne de porter vos couleurs. L’air qu’il mit à cela me fit croire qu’il les saliroit encore par la poudre à canon, quand l’occasion s’en présenteroit.

J’oubliois une petite occasion que j’eus de faire