Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/81

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plus des trois quarts, et je louerai toujours les bonnes intentions d’un génie aussi actif que fécond.

Envoyé à la cour de France dans l’âge le plus brillant et dans l’occasion la plus brillante, avec la nouvelle d’une bataille gagnée, je ne voulois plus y retourner. Le hasard fait arriver M. le comte d’Artois dans une garnison voisine de celle où j’inspectois des troupes.

J’y vais avec une trentaine de mes officiers Autrichiens bien tournés : il nous regarde, m’appelle, et, commençant en frère de Roi, il finit comme s’il étoit le mien ; on boit, on joue, on rit : libre pour la première fois, il ne savoit comment profiter de cette liberté. Ce premier jet de la gaieté et de la pétulance de la jeunesse me charme. La franchise et son bon cœur, qui paroissent toujours dans tout, me séduisent. Il veut que j’aille le voir à Versailles. Je lui dis que je le verrai à Paris, lorsqu’il y viendra ; il insiste, parle de moi à la Reine, qui m’ordonne de venir. Les charmes de sa figure et de son ame, aussi belles et aussi blanches l’une que l’autre, et l’attrait de la société m’y font passer tous les ans cinq mois de suite, sans m’éloigner presque un moment. Le goût pour le plaisir me conduit à Versailles ; la reconnoissance m’y ramène.