LETTRE VI.
J’ai quitté la méditation, et je rentre dans
la vie active. J’ai trouvé en arrivant de nouveaux
sujets d’admiration. Mais, avant de vous
en parler, Madame la marquise, que je vous
dise un mot sur la fidélité. Ne vous alarmez
pas de ce mot, cela ne regarde ni vous, ni
moi ; il s’agit d’un Tartare barbare à qui j’ai
été confié, malgré la mauvaise réputation et
l’air sauvage de ces gens-là : il m’auroit peut-être
volé ou rossé s’il m’avoit rencontré ; mais
comme je m’étois remis entre ses mains il auroit
sacrifié sa vie pour me défendre. Je lui ai
échappé un instant pour aller graver sur un
rocher, à 50 pas dans la mer, un nom cher
à mon cœur ; il m’a cherché partout, et, me
croyant massacré, il étoit prêt à mettre le
feu au village voisin, en attendant qu’il sût
positivement ce que j’étois devenu. Comme
je revenois sous la conduite de mon connétable,
j’ai cru me tromper en voyant une
maison au milieu de déserts odoriférans, mais
plats et verts comme un billard. J’ai bien