Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/95

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cru me tromper davantage en la trouvant blanche, propre, entourée d’un terrain cultivé, dont la moitié étoit un verger, et l’autre moitié un potager, que traversoit le plus pur et le plus rapide des ruisseaux ; mais j’ai été bien plus surpris encore d’en voir sortir deux figures célestes habillées en blanc, qui m’ont proposé de m’asseoir à une table couverte de fleurs, sur laquelle il y avoit du beurre et de la crème. Je me rappelai les déjeuners des romans anglois. C’étoit les filles d’un riche fermier que le ministre de Russie à Londres avoit envoyées au prince Potemkin, pour faire des essais d’agriculture en Tauride. J’en reviens aux admirations et aux merveilles. Nous avons trouve des ports, des armées et des flottes dans l’état le plus brillant. Cherson et Sebastopol surpassent tout ce qu’on peut en dire. Chaque jour est marque par quelque grand événement : tantôt une nuée de Cosaques des rives du Tanaïs manœuvrent autour de nous à leur manière ; tantôt les Tartares de la Crimée, infidèles jadis à leur Kan Sélim Gheray, parce qu’il voulut les enrégimenter, forment d’eux-mêmes des corps, pour venir au-devant de l’Impératrice. On a traversé pendant plusieurs jours des espaces immenses de déserts, d’où Sa Majesté a chassé les Tartares Zaporogues,