le ; mais quand je fus revenu à moi-même,
ſon idée m’occupa tout entier :
oüi, je me ſentois déchirer le cœur,
quand je penſois que j’allois la perdre :
mon imagination ſe repaiſſoit de tous
ſes charmes, elle parcouroit toutes les
beautés de ſon corps, c’étoit ſes cuiſſes,
c’étoit ſes feſſes, c’étoit ſa gorge,
ſes petits Tetons blancs & durs que j’avois
baiſés tant de fois. Je me rapellois
le plaiſir que j’avois eu avec elle, & reflechiſſant
ſur celui que j’avois pris avec
Toinette, qu’auroit-ce donc été, diſois-je,
ſi je l’euſſe goûté ſur Suzon ?
Je me ſuis pâmé ſur Toinette, je ſerois
mort ſur Suzon ! Ah, je n’aurois pas
de regret à la vie ſi je la perdois dans
ſes bras ! Mais que ſera-t’elle devenuë ?
Expoſée aux fureurs de Toinette, elle
va mourir de chagrin ; peut-être pleure-t’elle
à preſent, peut-être me maudit-elle,
Suzon pleure & j’en ſuis la
cauſe, Suzon me maudit, elle jure de
me haïr, pourrai-je vivre ſi elle me
haït, moi qui l’adore, moi qui ſouffrirois
tout au monde pour lui épargner
le moindre chagrin. Helas, elle prévoyoit
notre malheur, & c’eſt moi qui
l’y ai plongée. Telles étoient les penſées
qui m’agitoient alors ; elles me
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Portier des Chartreux.