careſſes de Madame Dinville lui avoient
enlevés. Je ne pouvois concevoir que
ſa Maîtreſſe eut faſciné mes yeux &
mon cœur au point de ne voir qu’elle,
de n’être ſenſible qu’au plaiſir d’être avec
elle, & j’avois la ſimplicité de regarder
comme l’effet de quelque ſortilége,
ce qui n’étoit pas celui de mon
tempérament, & de l’attrait des plaiſirs.
Suzon, dis-je à ma Sœur, d’un
ton pénétré, tu pleures, ma chere Suzon,
tes yeux ſe couvrent de larmes
quand tu me vois, eſt-ce moi qui les
fait couler. Oüi, c’eſt toi, me repondit-elle,
je rougis de te l’avoüer, cruel
Saturnin, oüi, c’eſt toi qui me les arrache,
c’eſt toi qui me déſeſpere & qui
va me faire mourir de douleur. Moi,
m’écriai-je, juſte Ciel, Suzon, oſe-tu
me faire de pareils reproches ? Les ai-je
mérités, moi qui t’aime ? Tu m’aime,
réprit-elle, ah, je ſerois trop heureuſe
ſi tu diſois vrai ! Mais peut-être viens-tu
de jurer la même choſe à Md. Dinville,
ſi tu m’aimois, l’aurois-tu ſuivie ? N’aurois-tu
pas trouvé un pretexte pour venir
me trouver quand je ſuis ſortie ? Vaut-elle
mieux que moi ? Qu’as-tu fait avec
elle pendant toute l’après-dînée, qu’as-tu
tu dit, penſois-tu à Suzon, à une Sœur
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