voit mis. L’opiniâtreté de ma froideur
confirma ſi bien cette penſée, que quelque
honte que j’enviſageaſſe à avoüer
mon impuiſſance à Suzon, j’étois prêt
à le faire, quand je ſortis d’embarras
d’une maniere à laquelle je n’avois pas
lieu de m’attendre. On va penſer que
l’amour fit tout-à-coup un miracle en
ma faveur, que je bandai, que j’enconnai,
que je foutis : point du tout ;
une main inviſible, ouvrant avec fracas
les rideaux de mon lit, vint m’apliquer
le plus épouvantable ſoufflet que
j’euſſe ſenti de ma vie. Effrayé de cet
étrange accident, je n’eus pas la force
de crier ; à peine eus-je celle d’ouvrir la
porte & de fuir, laiſſant là Suzon expoſée
à la fureur du ſpectre, car je ne
doutois pas que ce n’en fut un. Je ſortis
du Château en diligence, & je tremblois
encore dans mon lit, où je m’étois
mis en arrivant chez le Curé à qui
je fis un recit détaillé d’un ſpectacle que
je n’avois pas eu, & que mon imagination
troublée me faiſoit croire à moi-même
véritable. Je n’en impoſai au
Paſteur que ſur le lieu de la ſcène, que
je n’eus garde de mettre dans la chambre
de Suzon.
La frayeur jointe à l’épuiſement, me