jetta dans un abatement qui me procura
un profond ſommeil. Je me reveillai
le lendemain avec le même accablement :
je voulus me lever, il me fut impoſſible.
Surpris d’une laſſitude que
je ne pouvois attribuer qu’à l’exercice
de la veille, quoiqu’alors diſſipé par la
vivacité de l’action, je ne l’euſſe pas
ſentie, je connus pour la premiere fois
combien il eſt néceſſaire de ſe ménager
dans ſes tranſports amoureux, & ce que
coûte une complaiſance trop aveugle
pour les deſirs de ces Sirenes voluptueuſes,
qui vous ſuçent, qui vous rongent,
& qui ne vous lâcheroient qu’après avoir
bu votre ſang, ſi leur intereſt,
ſoutenu de l’eſperance de vous attirer
encore par leurs careſſes, ne les retenoit.
Pourquoi ne fait-on ces refléxions
qu’après coup ? En amour la raiſon
n’éclaire jamais que notre repentir.
Le repos avoit inſenſiblement effacé de mon eſprit l’impreſſion des idées lugubres que la frayeur y avoit tracées ; mais devenu tranquille ſur mon compte, mon cœur n’en reſſentit que plus vivement les inquiétudes que lui cauſoit l’incertitude du ſort de Suzon. Je me repreſentois avec un friſſon d’hor-