Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 11 —

regardais comme certain, quoique je n’en eusse pas encore goûté. — Je ne te verrai donc plus, Suzon ? lui dis je d’un air triste. — Pourquoi donc, me répondit-elle, ne viendrais-je pas toujours ici ? Mais, allons, poursuivit-elle d’un air charmant, aide-moi à faire mon bouquet. Je ne lui répondis qu’en lui jetant quelques fleurs au visage ; aussitôt elle de m’en jeter aussi, — Tiens, Suzon, lui dis-je, si tu m’en jettes davantage, je te… Tu me le payeras ! Pour me faire voir qu’elle bravait mes menaces, elle m’en jeta une poignée. Dans le moment ma timidité m’abandonna ; je ne craignais pas d’être vu. La brune, qui empêchait qu’on ne pût voir à une certaine distance, favorisait mon audace. Je me jette sur Suzon, elle me repousse ; je l’embrasse, elle me donne un soufflet ; je la jette sur l’herbe, elle veut se relever, je l’en empêche ; je la tiens étroitement serrée dans mes bras en lui baisant la gorge, elle se débat ; je veux lui fourrer la main sous la jupe ; elle crie comme un petit démon ; elle se défend si bien que je crains de n’en pouvoir venir à bout, et qu’il ne survienne du monde. Je me relevai en riant, et je crus qu’elle n’y entendait pas plus de malice que je voulais qu’elle n’y entendît. Que je me trompais ! — Allons, lui dis-je, Suzon, pour te faire voir que je ne voulais pas te faire de mal, je veux bien t’aider. — Oui, oui, me répondit-elle avec une agitation au moins égale à la mienne, va, voilà ma mère qui vient, et je… — Ah ! Suzon, repris-je