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la fois, sa transcendante sagacité, et vous expliquer l’amour passionné de la vieille recluse pour cet épagneul pelé et larmoyant.

Imaginez que Caraby, d’habitude paresseux et taciturne, tout d’un coup dégourdissait ses jambes raidies par les rhumatismes, aboyait, sautait, cabriolait, comme pris d’un enthousiasme subit, lorsqu’on le mettait en présence du tableau représentant l’arbre généalogique de l’illustre maison de Plétange !… Cet exercice presque journalier transportait d’aise sa maîtresse, et tous deux, confondant leur ravissement, formaient devant ce grand cadre doré le groupe le plus bouffon.

Autre chose encore : Caraby qui était le chien le plus gourmand que jamais portière eût possédé, Caraby pour qui Nise accommodait des ris de veau et des cervelles, afin de ménager les quatre dents qui lui restaient, refusait obstinément de ronger un os de poulet le vendredi, cet os eût-il conservé autour de lui la chair la plus juteuse !…

Cette orthodoxie de principes était due en partie aux leçons morales du premier maître de ce chien phénomène. L’épagneul avait appartenu dans son âge le plus tendre à Monsieur l’abbé Ruinart, aumônier de je ne sais plus quel couvent de la ville. L’abbé, une des lumières de l’Église, disait-on, avait d’énormes loisirs ; les deux douzaines de religieuses dont il épluchait la conscience ne prenaient point tout son temps, ce qui lui permettait de consacrer de longues heures à se créer un moyen