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dormir tranquille et manger des rognons sautés sans remords : il était riche en bonnes œuvres.


II.


Notre rue, tout étroite qu’elle était, n’en restait pas moins une des plus fréquentées de la ville. C’était près de là que défilaient le matin les régiments de toutes armes allant à la manœuvre ou à la parade ; près de là que, les beaux dimanches d’été, passaient les groupes de promeneurs en toilette, s’en allant chercher l’ombrage des tilleuls du Verney ou la fraîcheur des sombres allées du Grand-Jardin ; près de là encore que s’arrêtaient les chaises de poste poussiéreuses, les énormes diligences à deux étages chargées de voyageurs et de colis de cent espèces.

Dès l’aube, le joyeux tapage commençait : tambours, grelots, coups de fouet, volées de cloches, tout se mêlait et se confondait aux autres bruits de la cité. Bientôt, en effet, les marchands ambulants prenaient possession de la rue. C’était la mère Soretta criant tous les cinq ou six pas de sa voix éraillée : « Chumiqu’ ! Chumiqu’ ! » ; c’étaient le vendeur de bonne conserv’de genièv’, le raccommodeur de faïence, le vitrier du coin, le porteur de sable des Déserts, la marchande de charr’étain, enfin l’homme de Thoiry et la femme de Puisgros réclamant aux cuisinières les os, les chiffons et les verres cassés.