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s’avançant avec la grâce d’un caniche qui marcherait’ sur ses pattes de derrière ? Toutes nos élégantes d’alors se faisaient conduire en cet équipage au bal ou au théâtre.

J’ai vu la mère ***, l’ex-déesse de quatre-vingt-treize, descendre chaque matin de son galetas, son topinet jaune à la main, pour aller à l’autre bout de la rue acheter deux sous de bouillon dans une gargote borgne…

J’ai vu l’entrée triomphale de la brigade de Savoie venant tenir garnison dans ses propres foyers. Ah ! quelle joie, mon Dieu ! quelle fête ! quand lo noûtro (les nôtres), comme disaient les vieux attendris, défilèrent fièrement à travers la ville, nous rapportant le cher drapeau tout en loques, devant lequel chaque front s’inclinait…

Qu’ai-je vu encore ? Des cortèges royaux dorés, reluisants, tapageurs ; les grands valets écarlates écartant les curieux trop tenaces ; les carabiniers superbes avec leurs plumets ondoyants ; les généraux, les aides-de-camp… puis le Roi !

Le Roi ! ce quelqu’un qu’on adorait sans le connaitre… Le Roi qui passait souriant et incliné au milieu de la foule enthousiaste et ravie !…

Et les belles processions de la Fête-Dieu, alors que toutes les cloches de la ville égrenaient dans l’air limpide et frais leurs plus joyeuses sonneries ! alors que les bannières enrubannées, se gonflant à la brise du matin, ondulaient gracieu-