Page:Gex - Vieilles gens et vieilles choses (1885).pdf/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 122 —

nait soin d’elle et de son ménage, allait, venait, sans mot dire.

Vainement, Josette, ma bonne, avait usé sa diplomatie à vouloir nouer des relations avec cette taciturne gouvernante, elle n’en avait pu tirer que deux ou trois bonjours assez brefs ne satisfaisant. point sa curiosité ; aussi la mauvaise langue prétendait-elle que cette fille avait, comme sa maîtresse, reçu un coup de marteau sur la cervelle.

De loin en loin, les voisins vcyaient monter chez la folle un Monsieur bien mis, jeune, à l’air grave et distingué, mais ses visites étaient courtes et le reste du temps les fournisseurs seuls pénétraient dans le mystérieux logis. D’où était venue aux garçons boulangers l’idée de tourmenter cette femme qui leur était inconnue, nul ne s’en souvenait et n’aurait pu en donner la raison ; seulement, depuis fort longtemps tous les mitrons successifs s’étaient légué cette scie qui ne paraissait pas devoir prendre fin de sitôt.

Les deux femmes ne demeuraient point seules dans cet appartement sombre et clos comme une prison. Souvent, des pleurs et des cris d’enfant se faisaient entendre, et dans les grands jours d’été, aux heures chaudes de l’après-dinée, on avait quelquefois aperçu une petite tête blonde essayant de passer il travers les barreaux d’une fenêtre pour regarder curieusement dans la rue ou sur les toits inondés de soleil mais, au bout de quelques minutes de contemplation muette, l’enfant disparais-