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vous prier de laisser monter chez nous votre demoiselle si vous voulez avoir cette bonté, ce sera une bien bonne œuvre, allez ! D’abord, ajouta la brava femme, répondant par avance aux craintes que pourrait concevoir grand’mère, d’abord, il ne faut pas avoir du souci qu’il arrive quelque chose à votre petite. Notre pauvre dame est bien comme ça, de temps en temps, mais quand même, elle ne ferait pas de mal à une mouche ; c’est seulement une énervation qu’elle prend par moment.

Je crois que bonne-maman était bien perplexe n’osant point refuser tout-à-fait, surtout que de mon côté je réclamais avec insistance la même permission, et cependant, inquiète des suites que pourrait avoir son consentement, elle cherchait à gagner du temps, en interrogeant la borgnesse sur ce que celle-ci appel ait la maladie d’énervation de Madame Gaud.

— Voyez-vous, Madame, ma pauvre maîtresse, les autrefois, c’était la pâte du bon pain, et charitable, et serviable pour les pauvres, fallait voir ! Jamais on ne retrouvera la pareille, bien sûr. Mais que voulez-vous… les malheurs… ça vous démantibule l’esprit d’une personne ! Elle n’est pas méchante ; pourtant, quand elle repasse dans sa tête tout ce qui lui est arrivé, je crois que ça lui brouille le sang. Alors elle court par toute la maison, elle crie, elle appelle les uns, les autres… hélas ! mon Dieu, ceux qui sont morts ! Puis elle