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ses parents et l’étendue du malheur qui les avait frappés. Ce jour-là, Madame Panasot, qui venait très-souvent dîner à la maison, fut empêchée par la pluie de rentrer comme de coutume à Chambéry.

Dans le but de couper court à notre désœuvrement, on avança l’heure du souper ; la soirée se trouva donc allongée par le fait.

Marguerite, moins taciturne que d’ordinaire, prenait part à nos jeux, construisant des tours si hautes et si solides qu’il fallait nos trois souffles réunis pour les démolir. Nancy, joyeuse, frappait des pieds et des mains, faisant entendre son cri habituel.

Elle était jolie à croquer avec sa bouche mignonne, son menton à fossettes et ses longués boucles blondes encadrant rovale pal fait de son visage. Seul, son front, labouré par la profonde cicatrice dont je vous ai déjà parlé, déparait sa précoce beauté. Chaque fois que le rire ou la douleur animait sa mobile physionomie, la balafre blanche s’accentuait. Ce soir-là, sous la clarté brillante de la lampe et pendant les accès de gaîté de Nancy, il eût été difficile de ne point en être frappé ; aussi Madame Panissot, qui prenait plaisir à regarder l’explosion de sa joie enfantine, ne put-elle s’empêcher de faire cette réflexion :

— Ah ! que c’est dommage qu’une si jolie tête soit gâtée ainsi ! — Puis, se tournant vers Marguerite :

— Je sais bien, dit-, elle, que c’est à la suite d’une