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venait quelquefois froide comme un morceau de marbre.

M. Philippe l’avait menée un peu partout pour consulter ; mais tous les médecins répondaient qu’il n’y avait que des précautions à prendre, à lui donner tout ce qui pourrait lui faire plaisir, surtout beaucoup l’amuser et la distraire, et que tous ces bobos s’en iraient à mesure qu’elle prendrait de l’âge et de la force. On ne savait pas que faire, ni que penser, et ses parents se désolaient. Enfin, pour plus de malheur, vers quinze ou seize ans, elle devint tout-à-coup dormante…

Dormante ? interrogea Madame Panissot.

— Marguerite veut dire somnambule, sans doute, répondit grand’mère ; j’ai entendu appeler ainsi cette maladie par les gens des campagnes.

Dormante ou somnambule, je ne comprenais pas davantage la signification de l’un et de l’autre terme ; cependant, de peur de me faire remarquer, j’en attendis l’explication.

— Oui, Madame, confirma la borgnesse, c’est bien ça ; ma pauvre petite chérie perdit la tranquillité de son sommeil, je ne pouvais pas me coucher un seul soir sans crainte. Aussitôt endormie, elle se remuait, se tourmentait, je la voyais se lever toute droite sur son lit, descendre nu-pieds sur le plancher, et puis elle s’habillait comme si elle savait où ses robes et ses autres effets se trouvaient. Après ça, elle faisait tantôt une promenade dans sa chambre, aussi droite et aussi raide qu’un fantôme, tan-