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Régine était encore bien jeune, presque point de santé jusqu’à ce moment-là. Madame Geneviève ne pouvait pas se décider, mais sa fille pleurait de si grosses larmes quand on lui faisait comprendre la raison, mais le vieux médecin fit tant de son côté, que trois ou quatre jours après, nos jolis amoureux se promenaient bras-dessus, bras-dessous, dans le jardin, pendant que les parents prenaient le frais sous la grande tonne : ils étaient promis.

Arrivée à ce point d’un récit, sans doute fort douloureux pour elle, Marguerite s’arrêta de nouveau. Sa poitrine oppressée, les deux mains jointes sur les genoux, on eût dit qu’elle cherchait à reconstruire par la pensée ce passé, tantôt lumineux comme une belle soirée d’automne, tantôt sombre et froid comme un jour gris de décembre.

Elle se taisant, un grand silence se fit autour de nous ; le souffle lent et régulier de Nancy profondément endormie et le tic tac des aiguilles à tricoter de grand’mère étaient les seuls bruits que l’on entendit, Madame Panissot avait laissé là sa bande de tapisserie, et tout entière à l’émotion que lui causait la touchante narration de la gouvernante, elle attendait qu’elle fût en état de la reprendre.

Par hasard et très-malencontreusement, à mon avis, ses yeux se tournèrent de mon côté :

— Eh bien, mon petit chou, me dit-elle affectueusement, tu n’es pas comme Nancy, toi : il paraît que tu n’as pas sommeil ; il va pourtant être neuf heures, je crois.