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— Oh ! Madame, repris-je vivement, c’est que je suis bien plus grande qu’elle, et puis elle n’entend pas ce que l’on dit, tandis que moi…

— C’est égal, dit à son tour bonne-maman, il vaut mieux aller dormir, mon enfant ; c’est assez tard pour toi.

Je ne sais pas au juste quelle gamme de sentiments ma figure exprima dans ce moment, mais il y eut assez de désappointement, de chagrin et de prières réunis pour que mon excellente amie tâcha de raccommoder son intempestive remarque.

— C’est vrai que te voilà bientôt une personne raisonnable (j’avais onze ans passés) et que de plus tu es très-sage ce soir ; aussi bonne-maman fermera les yeux pour une fois… N’est-ce pas, chère Madame ? accentua d’un ton patelin Madame Panissot.

— Ah ! c’est bien vraiment parce que vous me le demandez, mon amie, répondit la chère femme d’un air de concession.

J’eus un expressif élan de reconnaissance qui les paya toutes deux de leur bonté, et tranquille désormais, je regardais d’un œil interrogateur la pauvre vieille Marguerite toujours absorbée dans ses souvenirs.

Une seconde fois le silence s’établit ; alors, relevant la tête, elle recommença à parler.

— C’est vrai ce que l’on dit, mes braves dames : quand quelque chose est écrit là-haut, tout s’arrange ici pour que ça arrive. Il y avait bien des