Page:Gex - Vieilles gens et vieilles choses (1885).pdf/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 237 —

Alors, je suis sortie pour voir ; j’ai reconnu le rousseau de M. Riton, l’huissier, et comme je vous avais vu passer tous deux hier, j’ai pensé qu’il y avait quelque chose de mauvais pour vous qui venait d’arriver par-là. J’ai pris mon bâton, je suis venue à la recherche, et voilà tout ce qui en est, acheva la vieille, qui, malgré son apparence peu solide, aidait bravement le notaire à se remettre sur ses jambes.

Pendant que celle qui s’était donné le nom singulier de Jeanne des Avé se mettait charitablement au service de maître Jean, tout en répondant aux multiples questions qu’il lui adressait, la chèvre brune gambadait follement, en bêlant, autour de sa maîtresse.

— Laisse-nous la paix, Mion, lui dit amicalement la vieille ; laisse-nous, et va-t’en redonner un coup de dent au fond du pré ; quand j’aurai besoin de toi, je t’appellerai.

— Bêêêê ! fit la chèvre avec un ton de joyeux assentiment.

Et, reprenant sa course, elle disparut en un clin d’œil.

Il y avait dans ce colloque quelque chose de mystérieux qui intrigua et inquiéta de nouveau le peureux tabellion, déjà payé pour se méfier. Après tout, Lucifer n’était pas le seul à lui donner la chair de poule ! Et les sorciers ? Cette vieille était-elle bien la mendiante qu’il avait si souvent renvoyée sans lui rien donner ?… On la disait morte depuis des