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sur les tas de foin odorant, tout cela nous enchantait, nous petits citadins habitués à la réserve et à la contrainte d’une éducation plus élevée.

Ce fut dans une de ces réunions de bonnes langues que nous apprimes les motifs de l’altercation qui avait eu lieu entre Lallò et ses parents : il s’agissait, en effet, d’une fantaisie de coquetterie de Marianne.

Sachant que son cousin devait aller à la ville, le dimanche matin, pour des commissions pressées, elle l’avait chargé de lui rapporter une coiffe neuve commandée en vue de la vogue, où elle sepromettait de briller au bras du beau garçon. Cette coiffe, elle l’avait rêvée bien belle, bien riche, capable de faire rager Marie Guédioz et Rosalie Vitton, capable d’exciter la sainte colère de la prieure et l’envie de toutes ses compagnes. Aussi était-ce un secret que cette commande. Lallò seul devait être mis dans la confidence, car seul, il avait assez d’amour pour pardonner cette faiblesse. Donc, c’était entendu : son cousin laisserait partir Fanny avec le pain bénit, et s’en irait bien en cachette chez la marchande, laquelle avait juré solennellement que tout serait prêt à l’heure.

Mais on sait ce qu’est un serment de modiste. Quand Lallò vint lui réclamer la coiffe promise, c’est à peine si elle l’avait commencée.

L’amoureux, sachant ce qui l’attendait au retour s’il arrivait les mains vides, déclara qu’il ne partirait pas sans avoir le bonnet. Bien lui en prit :