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Avec ça, le pays n’était pas tranquille. Il y avait des bandes de rôdeurs de nuit, on arrêtait les voitures sur les grandes routes et les colporteurs dans les chemins écartés. Toutes sortes de mauvais bruits couraient parmi les gens du hameau on avait enlevé la vache du vieux Chiron dans son écurie on avait arrêté Ambroise Basset au pont Dégala ; parfois, ceux qui rentraient tard voyaient des bandes de cinq ou six hommes filer le long des bois de Barby, gravir les rocs pelés des Combes de Challes, et disparaître, à la moindre alerte derrière les grandes haies ou les massifs de buis bordant les vignes du mas du château. Quels étaient ces individus ? où allaient-ils ? Quelques uns prétendaient que les Mandrins, ces vieux débris des bandes du célèbre brigand, tentaient de se reformer dans les environs de Chambéry. La Savoie les connaissait bien ces terribles aventuriers que rien n’arrêtait. Les grands-pères en avaient tant parlé le soir dans les veillées que tout le monde tremblait au souvenir des orgies, des vols, des massacres dont les vallées de Nance, de Novalaise et des Echelles avaient jadis été le théâtre. La terreur s’ajoutait donc aux autres souffrances, et l’on était triste, triste, et personne n’osait penser à l’avenir.

Chez Bernard Couter, plus qu’ailleurs peut-être, la misère noire et tenace s’était fait sentir.

Ceux-là n’avaient pas eu de prés à faucher, de champs à moissonner, de bétail à vendre !…

Si fait, cependant. À la dernière extrémité, quand