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— Je le crois aussi. Eh bien ! puisque nous avons perdu la piste, il vaut mieux nous en retourner ; ces gaillards pourraient être cachés dans quelque coin, nous tomber dessus avec leurs bâtons ferrés, et nous faire passer le goût du pain sans même nous crier gare ! Ma foi, le gouvernement n’est pas assez généreux pour que je lui fasse hommage de mes cervelles. Allons nous-en.

Il paraît que l’autre douanier fut du même avis, car on les entendit repasser le pont et retourner en silence du côté de Chambéry.

La Maurise a tout de même raison, se disait Claude Porraz du fond de sa cachette, ce n’est pas sans danger que l’on fait ce métier. Nous avons pu échapper aujourd’hui, c’est bien, mais il ne faut qu’une fois pour qu’un malheur arrive. Si cela avait été de jour, ou seulement une nuit de clair de lune, ils avaient cependant le droit de nous tirer dessus comme on a le droit de tuer un chien enragé. S’ils avaient su où nous trouver, ils auraient pu nous prendre comme des rats dans une trape et nous faire condamner aux galères… On se défendrait, me dirait Guidon… Oui ! avec nos bâtons, pendant qu’ils ont des fusils… Et puis, on n’assomme pas des chrétiens comme un bœuf à l’abattoir ; pour moi d’abord, je n’aurais jamais ce courage, quel que soit le danger. Paul a donc bien raison de me dire que je suis un capon. D’ailleurs, il n’y a plus à hésiter, puisque la Maurise ne le veut pas, ce sera fait comme elle l’a dit. Et puis tant pis, ce sera à la volonté de Dieu.