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s’étant constituée ma gardienne, tricotait assise en travers de la porte d’entrée. Je n’avais donc rien à espérer ; rien autre à faire qu’à me désoler, puisque je n’admettais ni les barres, ni les fables, encore moins le coton à dévider. Je m’en donnai à plaisir. Les heures se succédèrent bien lentement ce jour-là.

Accoudée sur le rebord de la fenêtre, je regardais passer dans le ciel les grands nuages blancs qui ressemblaient à des maisons à roulettes ; plus bas, les hirondelles, filant comme des flèches d’un bout de l’horizon à l’autre, les moineaux voletant sur le toit des granges, les papillons visitant les unes après les autres les fleurs de notre jardin, les abeilles regagnant leur logis, les moucherons dansant une farandole effrénée autour d’un rayon de soleil et les mouches venant bourdonner jusqu’à mes oreilles la joyeuse chanson de la liberté !… Oui, tout cela se mouvait, volait, chantait, tout s’abreuvait d’air frais, de soleil et de bonheur insouciant, tous étaient libres… sauf moi ! moi qui sanglotais, moi qui devais m’instruire, et n’avoir jamais d’ailes !… Ah ! mon Dieu, que j’ai pleuré cette fois-là !… Je pensais au singe, à Sta, aux petits bohémiens qui se roulaient dans l’herbe, voire même à l’ânon qui n’avait, présumai-je, qu’une mission en ce monde, celle de trotter sur le bord des routes… Et je me disais : « Qu’ils sont heureux ceux-là ! Ils vivent à leur fantaisie, sans souci des livres et des