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rott’[1]. Tot et toi, monte ici,  » continua-t-elle en nous ouvrant la porte de la baraque.

Mais tous deux nous éprouvions quelque répugnance à entrer dans cette voiture sombre que nous ne connaissions point. Alexandre ne bougeait pas ; moi non plus ; cependant les chevaux s’étaient arrêtés ; les conducteurs, deux grands garçons noirs et mal peignés, attendaient. Le chef, qui probablement surveillait les retardataires de la bande, arriva. Il dit quatre mots à Sta dans cette langue qui leur était habituelle, et que nous ne comprenions pas ; la petite fit un signe d’obéissance, et reprit en s’adressant à nous : « Monte, monte tous deux ; on va à Turin vite, vite. »

Hélas ! ce mot de Turin nous tenta une fois encore, et sans plus hésiter, Alexandre, aidé par le chef, enjamba les trois marches d’escalier et pénétra le premier dans la voiture ; deux secondes après, j’étais auprès de lui ; puis nous sentimes la lourde machine s’ébranler, pendant que la porte se refermait brusquement. C’en était fait, nous étions chez les bohémiens, et en route pour l’Italie.

Nous fûmes tellement étourdis de nous trouver enfermés dans cette boîte noire et puante, au lieu d’être commodément assis sur la banquette du petit chariot, que nous restâmes quelques instants des bout, silencieux, sans songer à regarder autour de nous. Sta, pourtant semblait rayonner d’aise de nous voir là : elle pirouettait sur elle-même, frappait des

  1. Cassé.