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de la poésie scientifique

tants, entre les diverses séries d’éléments émotionnels et critiques de l’esprit humain, et les divers groupes de timbres ou instruments vocaux (Voyelles et Consonnes) dont les mots, en tant que sonores, se caractérisent diversement.

Or, le son, le cri d’émoi, originairement, est l’équivalent d’un geste, avons-nous dit, une détente vibratoire de plus ou moins d’intensité et de durée. Sous les puissances expansives de l’Idée qui s’exprime émotivement par la suite dramatique des timbres-vocaux, le Rythme se marque donc et se mesure donc essentiellement en leurs valeurs vibratoires, en un dessin continu et variable d’ondes sonores de toutes longueurs et de toutes intensités. (Les expériences récentes du docteur Marage et de M. Marichelle, sur la photographie de la parole, m’apportent ici un nouvel et précieux appui.)

À chacune de ses phases ou de leurs nuances, l’Idée marque son accent tonique à diverses hauteurs et intensités de sons émotionnels concordants. L’Idée en son évolution s’exprime en créant elle-même son Rythme-évoluant : Rythme qui est essentiellement de l’émotion extériorisée et remettant en vibration les causes sensitives qui l’ont produite.

(L’on comprend maintenant pourquoi des Vers de même mesure métrique peuvent cependant être plus rapides les uns que les autres. C’est que, en dehors du nombre syllabique, — de la diverse et nuancée durée vibratoire des timbres-vocaux, et seulement d’eux, dépendent ces « accélérations et ces retards » dont parle Becq de Fouquières qui ne vit que le poète peut à son gré scinder les mesures numériques, mais en vain : trahi sera-t-il constamment par la lenteur ou la rapidité propre, tout d’abord aux sons verbaux).