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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. III.

La race des Césars et la famille Flavienne.

Le sage Vespasien prit toutes les mesures nécessaires pour confirmer son élévation récente et peu assurée. Depuis un siècle, le serment militaire et la fidélité des troupes semblaient appartenir au nom et à la famille des Césars. Quoique cette famille ne se fût soutenue que par adoption, le peuple respectait toujours dans la personne de Néron le petit-fils de Germanicus et le successeur direct de l’empereur Auguste. Les prétoriens n’avaient abandonné qu’à regret la cause du tyran : cette désertion avait excité leurs remords[1]. La chute rapide de Galba, d’Othon, de Vitellius, apprit aux armées à regarder les empereurs comme leurs créatures et comme l’instrument de leur licence. Vespasien, né dans l’obscurité, ne tirait aucun lustre de ses ancêtres : son aïeul avait été soldat, et son père possédait un emploi médiocre dans les fermes de l’état[2]. Le mérite de ce prince l’avait fait parvenir à l’empire dans un âge avancé : ses talens avaient plus de solidité que d’éclat, ses vertus même étaient obscurcies par une sordide parcimonie. Il importait donc à l’intérêt de ce monarque de s’associer un fils dont le caractère aimable et brillant pût détourner les regards du public de l’ob-

  1. Cette idée est souvent et fortement exprimée dans Tacite. Voyez Hist., I, 5, 16, II, 76.
  2. L’empereur Vespasien, avec son bon sens ordinaire, se moquait des généalogistes qui faisaient descendre sa famille de Flavius, fondateur de Réate (son pays natal), et l’un des compagnons d’Hercule. (Suétone, Vie de Vespasien, c. 12.)