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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

Pour sa femme Faustine.

Faustine, fille d’Antonin et femme de Marc-Aurèle, ne s’est pas rendue moins célèbre par sa beauté que par ses galanteries. La grave simplicité du philosophe était un mérite peu propre à charmer une femme légère et frivole, et peu capable de satisfaire ce besoin désordonné de changement qui l’entraînait sans cesse, et qui souvent lui faisait apercevoir un mérite personnel dans le dernier de ses sujets[1]. L’amour chez les anciens était en général une divinité fort sensuelle ; et une souveraine obligée par son rang aux avances les plus claires, put difficilement conserver dans ses intrigues une grande délicatesse de sentiment. Dans tous les siècles, les préjugés ont toujours attaché l’honneur des maris à la conduite de leurs femmes ; mais Marc-Aurèle paraissait insensible aux désordres de Faustine. Peut-être était-il le seul dans l’empire qui les ignorât. Il éleva plusieurs de ses amans à des emplois considérables[2] ; et, pendant trente ans que dura leur union, il ne cessa de lui donner des preuves de la confiance la plus intime ; enfin il eut pour elle une vénération et une tendresse qu’il conserva jusqu’au tombeau. Marc-Aurèle remercie les dieux, dans ses Méditations, de lui avoir accordé une femme si fidèle, si douce, et

  1. Faustinam satis constat apud Cayetam, conditiones sibi et nauticas et gladiatorias elegisse. Hist. Aug., p. 30. Lampride explique l’espèce de mérite dont Faustine faisait choix, et les conditions qu’elle exigeait. Hist. Aug., p. 102.
  2. Hist. Aug., p. 34.