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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

mises en possession de leurs biens et de leurs dignités. Loin d’être assouvie par la mort de ses ennemis, la cruauté de Commode s’étendait jusque dans le tombeau : plusieurs sénateurs massacrés par ses ordres n’avaient point eu les honneurs de la sépulture ; leurs cendres furent rendues au tombeau de leurs ancêtres ; leur mémoire fut réhabilitée, et l’on n’épargna rien pour consoler leurs familles ruinées et plongées dans l’affliction. La consolation la plus douce à leurs yeux était le supplice des délateurs, ces ennemis dangereux de la vertu, du souverain et de la patrie : cependant, même dans la poursuite de ces assassins armés du glaive de la loi, Pertinax usa d’une modération ferme qui donnait tout à l’équité, et ne laissait rien à la vengeance ni aux préjugés du peuple.

Ses règlemens.

Les finances de l’état exigeaient une attention particulière. Quoique l’on eût épuisé toutes les ressources de l’injustice et de l’exaction pour faire entrer les biens des sujets dans les coffres du prince, l’avidité insatiable de Commode n’avait pu suffire à son extravagance. À sa mort, il ne se trouva dans le trésor que cent huit mille livres sterling ; somme bien modique[1] pour fournir aux dépenses ordinaires du gouvernement, et pour remplir les obligations contractées par le nouvel empereur, qui avait été forcé de promettre aux prétoriens des lar-

  1. Decies, H. S. Antonin-le-Pieux, par une sage économie, avait laissé à ses successeurs un trésor de vicis septies millies, H. S., environ vingt-deux millions sterling. Dion, l. LXXIII, p. 1231.