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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

que l’univers romain serait adjugé dans une vente publique au dernier enchérisseur[1].

Il est acheté par Julianus. A. D. 193, 28 mars.

Cette proclamation ignominieuse était le comble de la licence militaire ; elle répandit par toute la ville une douleur, une honte et une indignation universelles ; enfin elle parvint jusqu’aux oreilles de Didius-Julianus, sénateur opulent, qui, sans égard pour les malheurs de l’état, se livrait aux plaisirs de la table[2]. Sa femme, sa fille, ses affranchis et ses parasites lui persuadèrent aisément qu’il méritait le trône, et le conjurèrent de ne pas laisser échapper une occasion si favorable. Séduit par leurs représentations, le vaniteux vieillard se rendit en diligence dans le camp des prétoriens où Sulpicianus, au milieu des gardes, était toujours en traité avec eux. Du pied du rempart, Julianus commença à enchérir sur lui. Cette indigne négociation se traitait par des émissaires, qui, passant alternativement d’un côté à l’autre, instruisaient fidèlement chaque candidat des offres de son rival. Déjà Sulpicianus avait promis à chaque soldat un don de cinq mille drachmes, environ cent soixante livres st., lorsque Julianus, ardent à l’emporter, proposa tout à coup six mille deux cent cinquante drachmes, ou une somme de deux cents

  1. Dion, l. LXXIII, p. 1234 ; Hérodien, l. II, p. 63 ; Hist. Aug., p. 60. Quoique tous ces historiens s’accordent à dire que ce fut réellement une vente publique, Hérodien seul assure qu’elle fut proclamée comme telle par les soldats.
  2. Spartien adoucit ce qu’il y avait de plus odieux dans le caractère et l’élévation de Julianus.