Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/117

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obscurité de ses prisons, et une année entière s’écoula avant que les Latins acquissent la certitude de la mort de Baudouin, et que son frère Henri consentît à prendre le titre d’empereur. Les Grecs applaudirent à sa modération comme à l’exemple d’une rare et inimitable vertu ; ambitieux, inconstans et perfides, ils étaient toujours prêts à saisir ou à anticiper l’occasion d’une vacance, dans le temps où presque toutes les monarchies de l’Europe avaient peu à peu reconnu et confirmé les lois de succession, qui font également la sûreté des peuples et des souverains. Les héros de la croisade moururent ou se retirèrent successivement, et Henri se trouva presque seul chargé de la guerre et de la défense de l’empire. Le vénérable Dandolo, chargé d’ans et de gloire, était descendu dans la tombe ; le marquis de Montferrat revint lentement de la guerre qu’il faisait dans le Péloponnèse pour venger Baudouin et défendre Thessalonique. Dans son entrevue avec l’empereur, ils réglèrent quelques vaines contestations sur l’hommage et le service féodaux ; une estime mutuelle et le danger commun les réunirent solidement, et ces deux princes scellèrent leur alliance par le mariage de Henri avec la fille de Boniface ; mais Henri eut bientôt à pleurer la mort de son beau-père et de son ami. Par le conseil de quelques Grecs restés fidèles, le marquis de Montferrat fit avec succès une irruption hardie dans les montagnes de Rhodope. Les Bulgares prirent la fuite à son approche ; mais ils se rallièrent pour harceler sa retraite. L’intrépide che-