Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/118

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valier ayant appris qu’ils attaquaient son arrière-garde, sauta sur son cheval, baissa sa lance et courut aux ennemis sans daigner se couvrir de son armure ; mais dans sa poursuite imprudente, il fut percé d’un trait mortel, et les Barbares fugitifs présentèrent sa tête à Calo-Jean, comme un trophée d’une victoire dont il n’avait point eu le mérite. C’est alors, c’est à cet accident funeste que tombe la plume de Villehardouin et que sa voix expire[1] ; et s’il continua d’exercer l’office de maréchal de la Romanie, la suite de ses exploits n’est point connue de la postérité[2], Henri n’était point au-dessous de la situation difficile où il se trouvait alors. Au siége de Constantinople, et au-delà de l’Hellespont, il avait acquis la réputation d’un vaillant chevalier et d’un habile général. À l’intrépidité de son frère, Henri joignait la prudence et la douceur, vertus peu connues de l’impétueux Baudouin. Dans la double guerre contre les Grecs de l’Asie et les Bulgares de l’Europe, il fut toujours le

  1. Villehardouin, no 257. Je cite avec regret cette triste conclusion. Nous perdons à la fois l’original de l’histoire et les Commentaires précieux de Ducange. Les deux lettres de Henri au pape III, jettent quelque clarté sur les dernières pages de notre auteur (Gesta, c. 106, 107).
  2. Le maréchal vivait encore en 1212 ; mais il est probable qu’il mourut peu de temps après cette époque, et qu’il ne retourna point en France (Ducange, Observations sur Villehardouin, p. 238). Son fief de Messinople, qu’il tenait de Boniface, était l’ancienne Maximianopolis, qui florissait du temps d’Ammien-Marcellin parmi les villes de la Thrace (no 141).