Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/317

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forcé de se soumettre aux mêmes conditions, et leur exécution doit avoir été encore plus funeste à l’empire. L’impératrice Anne avait obtenu un secours de dix mille Turcs ; mais Orchan employa toutes ses forces au service de son père. Ces calamités n’étaient cependant que passagères ; dès que l’orage cessait, les fugitifs retournaient dans leurs anciennes habitations : à la fin de la guerre, les musulmans évacuaient totalement l’Europe et se retiraient en Asie. Ce fut à l’occasion de sa dernière querelle avec son pupille, que Cantacuzène fixa dans le sein de l’empire le germe de destruction que ses successeurs ne purent déraciner, et ses dialogues théologiques contre le prophète Mahomet n’ont point expié cette faute irréparable. Les Turcs modernes ignorent leur propre histoire, confondent leur premier passage de l’Hellespont[1] avec le dernier, et représentent le fils d’Orchan comme un brigand obscur qui, suivi de quatre-vingts aventuriers, passa par stratagème sur une terre ennemie et peu connue. Soliman, à la tête d’un corps de dix mille hommes de cavalerie turque, fut transporté sur les vaisseaux de l’empe-

  1. Cantemir, dans ce passage et relativement aux premières conquêtes d’Europe, donne fort mauvaise opinion de ses autorités turques, et je n’ai pas beaucoup plus de confiance en Chalcocondyles (l. I, p. 12, etc.). Ils oublient de consulter le quatrième livre de Cantacuzène, qu’on peut regarder comme le monument le plus authentique. Je regrette aussi les derniers livres de Nicéphore Grégoras, qui sont encore en manuscrit.