Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/43

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minent la religion d’un soldat, et il est assez difficile de démêler quelle lumière nouvelle vint l’éclairer à l’âge de quarante ans[1]. Ses motifs paraîtraient moins suspects d’intérêt ou de vengeance, s’il eût rompu sa chaîne dès qu’il en sentit le poids ; mais un si long oubli de ses droits les avait sans doute diminués, et chaque année de soumission et de récompense cimentait les liens mutuels du sultan et de son sujet. Si Scanderbeg converti à la foi chrétienne médita long-temps le dessein de se révolter contre son bienfaiteur, toute âme droite condamnera cette lâche dissimulation qui servait pour trahir, qui promettait pour se parjurer, et qui contribuait avec activité à la ruine temporelle et spirituelle de tant de milliers de ses malheureux frères. Louerons-nous sa correspondance secrète avec Huniades, tandis qu’il commandait l’avant-garde de l’armée ottomane ? [Il trahit et charge l’armée des Turcs. A. D. 1143, 28 nov.]L’excuserons-nous d’avoir déserté ses étendards, et arraché par sa trahison la victoire à son protecteur ? Dans la confusion d’une déroute, Scanderbeg suivait des yeux le reis effendi ou prin-

  1. Si Scanderbeg mourut A. D. 1466, dans la soixante-troisième année de son âge (Marinus, l. XIII, p. 370), il naquit en 1403. S’il fut arraché à ses parens par les Turcs à l’âge de neuf ans, novennis (Marinus, l. I, p. 1-6), cet événement doit être arrivé en 1412, neuf ans avant l’accession d’Amurath II au trône : ce prince hérita donc de l’esclave albanais, et n’en fit pas lui-même l’acquisition. Spondanus a relevé cette contradiction, A. D. 1341, no 31 ; 1443, no 14.