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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/171

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de preuves : ils insistent sur la sainteté et sur la pureté de l’Évangile, qui souvent met un frein aux plaisirs les plus légitimes. Peut-on croire sérieusement, s’écrient-ils, que ces divins préceptes ordonnent la pratique des crimes les plus atroces, qu’une grande société consente à se déshonorer aux yeux de ses propres membres, et qu’une foule de personnes de tout état, de tout âge, de tout sexe, devenues tout à coup insensibles à la crainte de la mort ou de l’infamie, osent violer ces principes que la nature et l’éducation ont imprimés si profondément dans leurs âmes[1] ? Il eût été impossible de répondre à cette justification, et rien ne pouvait en affaiblir la force ou en détruire l’effet, que la conduite peu judicieuse des apologistes eux-mêmes, qui trahissaient la cause commune de la religion pour satisfaire leur pieuse haine contre les ennemis domestiques de l’Église. Tantôt ils insinuaient faiblement, tantôt ils soutenaient à haute voix que les marcionites, les carpocratiens et les autres sectes des gnostiques, célébraient réellement les mêmes sacrifices sanglans, les mêmes fêtes incestueuses, si faussement attribués aux vrais fidèles ; cependant tous ces hérésiarques, quoique égarés dans les sentiers de

  1. Dans la persécution de Lyon quelques esclaves païens furent forcés, par la crainte de la torture, d’accuser leur maître chrétien. Les fidèles de l’Église de Lyon, en écrivant à leurs frères d’Asie, parlent de ces horribles accusations avec toute l’indignation et tout le mépris qu’elles méritent. Eusèbe, Hist. ecclésiast., v. I.