Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les vertus d’un prince vivant, il aima mieux rapporter en forme d’annales les actions des quatre premiers successeurs d’Auguste. Rassembler les événemens qui s’étaient passés durant une période de quatre-vingts ans, les disposer, les peindre dans un ouvrage immortel dont chaque phrase renferme les observations les plus profondes et les images les plus brillantes, c’était une entreprise qui devait suffire pour exercer le génie de Tacite lui-même, pendant la plus grande partie de sa vie. Dans les dernières années du règne de Trajan, tandis que le monarque victorieux étendait la puissance de Rome au-delà de ses anciennes limites, l’historien peignait, dans le second et dans le quatrième livre de ses Annales, la tyrannie de Tibère[1] ; et l’empereur Adrien monta probablement sur le trône avant que Tacite, selon la marche de son ouvrage, pût parler de l’incendie de Rome, et de la cruauté de Néron envers les malheureux chrétiens. À soixante ans de distance, l’annaliste se trouvait forcé d’adopter les relations des contemporains ; mais le philosophe, en exposant l’origine, les progrès et le caractère de la nouvelle secte, devait naturellement se conformer moins aux idées du siècle de Néron qu’aux notions ou aux préjugés du temps d’Adrien.

3o. Tacite laisse très-souvent à la curiosité ou à la pénétration du lecteur, le soin de suppléer ces pensées et ces circonstances intermédiaires que, dans son style concis,

  1. Voyez Tacite, Annal., II, 61 ; IV, 4.