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cice de la religion chrétienne. Une horreur avouée pour le culte des dieux n’était même pas un obstacle capable d’empêcher Dioclétien et ses collègues de conférer des emplois importans aux hommes que leurs talens pouvaient rendre utiles à l’état. Les évêques tenaient un rang considérable dans les provinces où ils étaient placés. Le peuple et les magistrats eux-mêmes les traitaient avec distinction et avec respect. Presque dans aucune ville les anciennes églises ne pouvaient plus suffire à contenir la multitude des prosélytes, dont le nombre se multipliait tous les jours. On érigea des édifices plus magnifiques et plus vastes pour célébrer le culte public des fidèles. La corruption des mœurs et des principes, dont Eusèbe se plaint avec tant de force[1], peut être considérée, non-seulement comme une suite, mais encore comme une preuve de la liberté dont jouissaient et abusaient les chrétiens sous le règne de Dioclétien. La prospérité avait relâché les liens de la discipline. La fraude, l’envie, la méchanceté, régnaient dans toutes les congrégations. Les prêtres aspiraient à la dignité épiscopale, qui devenait de jour en jour un objet plus digne de leur ambition. Les évêques, occupés à se disputer la prééminence ecclésiastique, paraissaient, par leurs actions, vouloir

  1. Eusèbe, Hist. ecclésiast., l. VIII, c. 1. Ceux qui consulteront l’original ne m’accuseront pas de charger le tableau. Eusèbe avait environ seize ans lorsque Dioclétien monta sur le trône.