Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/26

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nées sous l’inspection immédiate des apôtres, devait naturellement être reçue comme le modèle de la foi orthodoxe[1]. Les Églises éloignées avaient souvent recours à l’autorité respectable de leur mère, dont elles s’empressaient de soulager les besoins par de généreuses contributions d’aumônes. Mais lorsque des sociétés nombreuses et opulentes eurent été établies dans les grandes villes de l’empire, Antioche, Alexandrie, Éphèse, Corinthe et Rome, on vit insensiblement diminuer la vénération que Jérusalem avait inspirée à toutes les colonies chrétiennes. Les Juifs convertis, ou, comme on les appela dans la suite, les nazaréens, qui avaient jeté les fondemens de l’Église, se trouvèrent bientôt accablés par la multitude des prosélytes, qui, de toutes les différentes religions du polythéisme, accouraient en foule se ranger sous la bannière de Jésus-Christ ; et les gentils, autorisés par leur apôtre particulier à rejeter le fardeau insupportable des cérémonies mosaïques, voulurent aussi refuser à leurs frères plus scrupuleux la même tolérance qu’ils avaient d’abord humblement sollicitée pour eux-mêmes. Les nazaréens ressentirent vivement la ruine de la ville, du temple et de la religion nationale du peuple juif : en effet, quoiqu’ils eussent renoncé à la foi de leurs ancêtres, ils

  1. Mosheim, De rebus christianis ante Constantinum magnum, p. 153. Dans cet excellent ouvrage, que j’aurai souvent occasion de citer, il traite de l’état de l’Église primitive avec bien plus d’étendue qu’il n’a été à portée de le faire dans son histoire générale.